Les petites anecdotes du village
1. La grande fraude à la bière (1751) : Quand Jean Malherbe défia l’impôt royal
En ce début d’année 1751, le petit village de José bruisse de rumeurs. Un certain Jean Malherbe, un brasseur local connu pour ses affaires florissantes, est au cœur d’un scandale retentissant. Depuis plusieurs mois, les collecteurs d’impôts de l’Avouerie de Fléron soupçonnent que Malherbe cache des tonneaux de bière pour éviter de payer la taxe sur l’alcool – une taxe rigoureusement surveillée par l’administration locale.
Tout commence un jour d’été, le 30 août 1750. Un inspecteur des impôts, accompagné d’un commis, se présente chez Malherbe pour contrôler son stock. Mais au lieu d’un accueil poli, ils se heurtent à un mur d’injures. Malherbe, furieux d’être dérangé, traite le commis de "chien, de f... chien", puis les menace d’un ton que les documents officiels qualifient de "trop grossier pour être transcrit".
Mais l’administration ne compte pas en rester là. Quelques mois plus tard, après plusieurs dénonciations d’habitants affirmant avoir vu des tonneaux disparaître mystérieusement dans la cave de Malherbe, une nouvelle perquisition est ordonnée. Cette fois, il n’a pas d’échappatoire : trois énormes tonneaux de bière non déclarés sont découverts.
Pris la main dans le sac, Malherbe n’a d’autre choix que de payer ses redevances. Il fait amende honorable devant les autorités, exprimant ses regrets d’un ton peu convaincant. Pourtant, dans les tavernes de José, on continue de murmurer que Malherbe a peut-être encore quelques tonneaux cachés quelque part...
2. L’élection du bourgmestre sous l'œil vigilant du curé (1755) : Une messe et une décision divine
En ce matin du 13 août 1755, les habitants de José se dirigent en silence vers la maison de Louis Meuris, le plus grand bâtiment du village. Aujourd’hui est un jour important : le bourgmestre doit être élu.
Mais ce qui intrigue le plus les villageois, c’est la façon dont ils ont été convoqués. L’annonce de l’élection a été faite lors de la messe dominicale du 27 juillet, puis rappelée par le sergent de l’Avouerie de Fléron, qui a parcouru le village pour s’assurer que personne ne puisse dire qu’il n’était pas au courant.
Dans la salle où se tient le vote, l’ambiance est lourde. Au fond de la pièce, le vicaire du village observe en silence, veillant à ce que tout se déroule sous l’œil de Dieu. Le vote est unanime : Michel Cheslet est élu bourgmestre.
Deux ans plus tard, en 1757, il se représente pour un second mandat. Cette fois encore, il doit rendre compte de sa gestion devant toute la communauté, sous l’œil scrutateur du vicaire. Si Cheslet veut continuer à servir José, il lui faudra montrer qu’il n’a pas trahi la confiance de ses concitoyens... et celle de Dieu.
3. José : Un refuge pour criminels ? (XVIIe-XVIIIe siècles)
À une époque où les frontières entre les seigneuries sont floues, le village de José se retrouve dans une situation unique et troublante. Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, une étrange réputation entoure ce paisible village du Pays de Herve : il est un refuge pour les criminels.
Tout commence à cause d’un conflit entre la Principauté de Liège et les Pays-Bas espagnols. Les autorités judiciaires des deux territoires ne s’accordent pas sur la gestion de certains crimes, et José se retrouve dans une zone d’ombre légale. En clair : si quelqu’un est poursuivi pour un crime dans le Limbourg, il lui suffit de se réfugier à José pour échapper à la justice.
Bien sûr, cette situation attire toute une faune de fugitifs : des voleurs, des faussaires, des contrebandiers, et même des meurtriers. Les habitants de José n’apprécient guère cette réputation sulfureuse, mais les autorités ne peuvent rien y faire.
Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que cette anomalie juridique est corrigée. Mais entre-temps, José a abrité bien des personnages louches, et certaines familles du village portent encore aujourd’hui les noms de ces anciens réfugiés...
4. Quand les Allemands volèrent les cloches de l’église (1943)
Le 11 novembre 1943, un groupe de soldats allemands pénètre dans le village de José. La guerre fait rage en Europe, et l’occupant a un nouveau projet scandaleux : réquisitionner les cloches de l’église.
Dans les semaines précédentes, la rumeur s’est propagée que les Allemands fondaient les cloches des villages pour en faire des armes et des munitions. Mais à José, les habitants espéraient que leur modeste église serait épargnée.
Hélas, ce 11 novembre, les soldats annoncent officiellement que les cloches doivent être retirées. L’opération est prévue pour le lendemain.
Mais le 12 novembre, un fait inattendu se produit : en plus des cloches, les Allemands repartent aussi avec le moteur de l’horloge de l’église ! Personne ne comprend pourquoi, mais une chose est sûre : José a perdu sa voix, et l’église restera muette jusqu’à la fin de la guerre.
5. Le bourgmestre disparu et le mariage impossible (1802)
Nous sommes en 1802, et une jeune femme de José vit une situation pour le moins insolite : elle est enceinte, prête à accoucher, mais son mariage avec son compagnon ne peut pas être officialisé. Pourquoi ? Parce que le bourgmestre de José a disparu !
À l’époque, les lois sont strictes : pour qu’un mariage soit valide, les bans doivent être publiés dans la commune de résidence de la future mariée. Problème : le maire de José est introuvable ! Personne ne sait où il est, et personne ne peut le remplacer.
Face à cette impasse, le maire de Battice décide d’intervenir. Il envoie une requête exceptionnelle au préfet, demandant l’autorisation de célébrer le mariage sans attendre l’accord de José.
Heureusement, l’autorisation est accordée, et la jeune femme pourra enfin épouser son compagnon.
Le bourgmestre voleur qui disparut dans la nature...
Tout avait commencé quelques semaines plus tôt. Un citoyen du village, venu payer ses impôts auprès du bourgmestre en exercice, avait étalé son argent sur la table pour effectuer le règlement. Mais au moment de recompter ses pièces après la transaction, une somme importante avait mystérieusement disparu.
Très vite, les soupçons se portèrent sur le bourgmestre lui-même. Une enquête fut ouverte, et il apparut que d’autres irrégularités avaient été constatées dans la gestion de la commune.
Pris de panique, l’élu décida de fuir avant que l’affaire ne prenne une ampleur judiciaire. Le 15 thermidor an 10 (soit en juillet 1802), il disparaît, laissant les villageois sans chef.
Les autorités furent alertées, et une chasse à l’homme fut organisée. Mais le bourgmestre semblait s’être volatilisé, et malgré plusieurs signalements, il ne fut jamais retrouvé.
Son poste resta vacant plusieurs semaines, obligeant le Préfet à nommer un remplaçant en urgence pour éviter que José ne sombre dans l’anarchie.
6. Le jour où un simple mur a failli provoquer une émeute (1788)
Nous sommes en 1788. Le village de José est en ébullition. Une nouvelle circulait depuis plusieurs semaines : le presbytère allait être rénové et, dans le même temps, un mur devait être construit pour séparer le presbytère de la chapelle. Mais ce n'était pas tout : un vieux tilleul, qui ombrageait l'entrée de la chapelle depuis des générations, allait être abattu.
Cela pouvait sembler anodin, mais pour les habitants, ce tilleul était un symbole. Depuis toujours, il servait de point de rendez-vous, de lieu de repos après les offices religieux, et certains racontaient même qu'il aurait été planté pour commémorer un événement oublié du passé.
Alors, quand la nouvelle de son abattage tomba, ce fut la révolte. Trente habitants décidèrent de déposer une pétition officielle contre ces décisions. Ils se rassemblèrent, rédigèrent le document… mais il y avait un problème.
Parmi les trente signataires, seuls deux savaient écrire.
Les autres durent se contenter d’apposer une croix à côté de leur nom, preuve indiscutable qu’ils soutenaient la cause. Malgré cet élan de contestation, le mur fut construit, et le tilleul fut abattu.
Mais le combat des habitants de José contre ce qu’ils considéraient comme une atteinte à leur patrimoine montre à quel point l’identité d’un village peut être façonnée par des détails qui, aux yeux d’un administrateur, paraissent insignifiants.
7. Le siège des grains volés (1771) : Quand la faim poussait à la ruse
L'année 1771 fut difficile pour les habitants de José. La famine menaçait, les récoltes avaient été mauvaises, et l'hiver s’annonçait rude. Les villageois devaient se rendre à Liège pour acheter du grain, une tâche ardue, car les contrôles étaient stricts et les routes dangereuses.
Le bourgmestre de José, Simon Burhenne, inquiet pour ses concitoyens, envoya une requête au mayeur de la Cour de Justice de l’Avouerie de Fléron, un certain avocat Cerfontaine. Il expliqua que 360 habitants de José avaient besoin d’au moins 100 mesures de grains par semaine pour survivre.
Mais même avec des attestations officielles, les habitants qui allaient chercher du grain à Liège risquaient d’être attaqués et de voir leur précieuse cargaison volée sur le chemin du retour.
Face à cette menace, un stratagème fut mis en place : les villageois commencèrent à voyager en groupe, armés de bâtons et de torches, pour dissuader les brigands. Cette tactique permit d’assurer l’approvisionnement du village, et José traversa cette période de crise sans sombrer dans la misère.
8. Les villageois qui ne voulaient pas payer la dîme (1789)
Le 3 décembre 1789, un certain Jean-Pierre Wergifosse, collecteur de la dîme pour le compte des chanoines de la collégiale Saint-Denis à Liège, se rend à José pour récupérer ce qui est dû.
Mais ce jour-là, il va être confronté à une fronde inattendue.
Lorsqu’il arrive chez Hubert Fassotte, locataire d’une grande ferme, celui-ci refuse catégoriquement de payer. Le collecteur insiste, mais Fassotte reste inflexible. Même chose chez Henri Roufosse, qui se met à rire au nez du collecteur, lui lançant qu’il n’aura pas un sou.
Décontenancé, Wergifosse poursuit sa tournée, mais partout la réponse est la même. José semble être pris d’une révolte spontanée contre cet impôt religieux.
Finalement, Wergifosse n’aura d’autre choix que de rédiger une plainte officielle contre une liste de six familles refusant de payer. Mais l’affaire restera sans suite…
Car quelques années plus tard, avec la Révolution française et la chute du pouvoir ecclésiastique, la dîme sera abolie, et les habitants de José auront gagné leur combat sans même le savoir.
9. Le cimetière maudit et la bénédiction sous l’orage (1861)
Lorsque José devint une paroisse indépendante, un problème se posa immédiatement : où enterrer les morts ?
Pendant des années, les habitants devaient transporter leurs défunts jusqu’à Herve, parfois sous une météo épouvantable, pour les enterrer dans le cimetière paroissial.
Un jour, le curé de José prit une décision radicale : il céda une partie de son propre jardin pour servir de cimetière temporaire.
Mais il fallut attendre 1861 pour que la commune achète enfin un terrain et y construise le cimetière officiel. La bénédiction devait avoir lieu le 28 juillet 1861, en présence de Mgr Klausener, doyen de Herve.
Ce jour-là, cependant, le ciel était menaçant. Alors que la cérémonie commençait, un violent orage éclata. La pluie s’abattit en trombes sur les villageois réunis, le tonnerre gronda, et des éclairs illuminèrent le cimetière en construction.
Les fidèles, saisis de peur et de superstition, murmurèrent que c’était un mauvais présage.
Malgré tout, la cérémonie fut menée à bien, et le cimetière put ouvrir quelques semaines plus tard. Mais pendant longtemps, certains habitants murmurèrent que les âmes des premiers défunts enterrés à José étaient en colère d’avoir été déplacées de force.